De La Bergerie Des Bons Soins

De La Bergerie Des Bons Soins Berger Belge

Berger Belge

Le troupeau et nos Bergers Belges par Mme Florence Grasswill

Le troupeau et nos Bergers Belges par Mme Florence Grasswill

Le travail au troupeau fut longtemps, et pour cause, réservé aux professionnels avant de s’ouvrir aux amateurs, néophytes possesseurs de races bergères et qui souhaitaient découvrir une activité liée à l’essence même de leurs chiens qui furent sélectionnés autrefois pour ce travail bien particulier et hautement utile à l’humain.

Retourner aux sources de l’instinct de nos chiens…. N’est-ce pas une aspiration pseudo-bobo ? un rêve de pastoralisme un peu idéalisé qui convient aux urbains en ces temps où le matérialisme nous envahit ?

Peut-être, peut-être pas, et après tout, qu’importe, ceci est un autre débat….

Pour ma part, j’ai longtemps pensé que seuls les détenteurs de Border Collies pouvaient prétendre à intégrer le cercle fermé du travail « aux moutons »…

Car avec l’engouement de la dernière décennie,  le Border a été propulsé à la première place du classement, sa façon spectaculaire de travailler, sa façon de se déplacer, son œil perçant, sa capacité à écarter sur des centaines de mètres, héritage du travail dans les vastes étendues écossaises, et surtout le fait qu’il n’ait été sélectionné que sur ses capacités de travail, ont fait qu’il est considéré désormais par le plus grand nombre comme le seul et unique chien à savoir guider et rassembler les brebis, partageant le podium avec quelques Pyrénées et Beaucerons, qui réussissent à maintenir la tête hors de l’eau grâce aux amateurs ou professionnels qui les travaillent.

Qu’en est-il des autres races bergères, alors ? et pour ce qui nous concerne, nos Belges, sélectionnés depuis des années sur tellement d’autres aptitudes au travail que celui du troupeau, ont-ils conservé dans un coin de leur mémoire les atavismes ancestraux qui leur permirent un jour d’acquérir le titre de berger, et cela, autrement qu’au travers d’un simple CANT ? Y a-t-il une vie après le CANT ? nos chiens savent-ils encore être les auxiliaires d’un éleveur, d’un berger, ou plus simplement d’un amateur de moutons  (ou de bovins) ?

J’avais déjà vu dans la revue du CFCBB des mentions sur quelques Bergers Belges, le plus souvent à poils long, qui s’exerçaient au troupeau, mais on restait malgré tout dans la confidentialité. C’est en découvrant, en 2009, une mention sur la deuxième chienne Malinoise alors diplômée du CACCBT (après Laïka à Anne-Gaëlle Blanc), que j’ai commencé à cogiter.

Cette chienne, c’était Belfast Rebelle du Crépuscule des Loups, et sa conductrice, c’était Caroline Kayser de Candolle, une cynophile passionnée de longue date. Nous nous connaissions, Caroline et moi, mais la vie nous avait éloignées, et je n’imaginais pas que la rencontrer de nouveau début 2011 à la Régionale d’Aubigny allait avoir un tel impact dans ma vie.

Jusque là, les rares approches de troupeau que j’avais eues s’étaient passées avec mes chiens de type croisé-berger, et bien qu’ils aient, à l’époque, montré des aptitudes évidentes, aux dires des bergers qui les firent travailler, je n’avais guère eu le temps ni les moyens de les faire continuer dans cette branche.

Mon premier Malinois, Urukaï, issu d’une vieille lignée de travail, et bien que pratiquant diverses activités sportives, ne connut pas de moutons, ni dans sa prime jeunesse, ni plus tard, autrement que le long des chemins de campagne, et cela l’a toujours laissé indifférent ; peut-être que s’il avait été à la rencontre des brebis très tôt, son instinct se serait réveillé, ou pas… mais j’ai loupé le coche, comme on dit, et je suis la seule à le regretter!

Mais avec mon deuxième, ce fut une toute autre histoire qui allait s’écrire.

Darjeeling du Mas des Lavandes nous avait rejoints en 2008, notre meute accueillant avec lui son 5èmeélément ! il grandit au milieu de cette grande famille protectrice, et bien que travaillant lui aussi dans différents domaines, je constatai, pour des raisons qui seraient trop longues à expliquer ici, que je devais lui procurer un moyen de s’émanciper et de révéler son propre tempérament, en individuel. On m’avait parlé d’une association qui organisait des séances de troupeau ici, d’un professionnel qui donnait des cours là, j’étais tentée, je sentais bien que je devais creuser dans cette direction, mais je n’arrivais pas à me décider… un Malinois au milieu des Borders ? je doutais …

Caroline, durant cette journée ensoleillée d’avril 2011, me fit part de ses nouvelles activités, elle a des brebis, et travaille avec Belfast depuis 2006, elle donne aussi des formations pour ceux qui veulent s’initier au troupeau…. S’intéressant particulièrement aux  races bergères continentales et, amoureuse de la race, elle connaît bien le tempérament du Belge et du malinois plus spécifiquement… De nouveau je pensais à mon chien, à l’éventualité du travail au  troupeau, travail sur l’instinct, développement de ses capacités d’initiatives et d’adaptation… Darjeeling avait eu son CANT à 9 mois, il avait donc un atavisme… mais 2 ans plus tard…. Qu’en était-il ? N’était-ce pas trop tard ? j’étais persuadée que non, je sentais au fond de moi, pour travailler avec lui et l’observer au quotidien, que le bon berger sommeillait sous ses airs juvéniles…  c’était une chance à saisir ! d’autant que Caroline exerce à 70 km de chez moi, autant dire – presque - à côté! Alors ?

Alors je sautai le pas durant l’été, et après s’être données rendez-vous, je retrouvai un beau jour ma vieille copine dans son pré, à la Bergerie des Bons Soins, à Blaru, dans les Yvelines.

Caroline, très pédagogue, a aussi une bonne expérience, elle s’est formée avec « les grands », et elle nous mène petit à petit sur les sentiers de la connaissance et de la pratique, elle parle avec passion de sa chienne, de ses moutons, elle raconte ses déboires et ses réussites avec la même verve et toujours avec humour, et surtout, elle aime partager ce qu’elle sait, plutôt que de garder son savoir et ses observations confidentiels !

Nous sommes désormais un petit groupe de « belges » (et quelques autres chiens aussi : Shetland, Beauceron...) à travailler ainsi avec elle, et nos rencontres sont toujours conviviales et amicales.

Darjeeling retrouve régulièrement les  brebis avec un enthousiasme non dissimulé, il a fait des progrès phénoménaux, et moi, bien plus lentement que lui, j’apprends, encore et encore, à chaque fois, toujours plus… nous suivons aussi des journées entières de stage, avec Caroline ou encore Benoît, berger municipal de la ville d’Evreux et quelques autres moniteurs ou professionnels tout aussi passionnants.

Mais s’il faut bien avouer qu’au début, on va chercher le troupeau pour notre chien, surtout, car on ne connaît pas bien ce milieu et qu’on a bien souvent oublié le sens de l’expression « chien d’utilité », tout occupés que nous sommes à pratiquer une cynophilie de pur loisir, oui, si on démarre le troupeau pour le chien, on finit par tomber dans la marmite : on comprend que la finalité est plus vaste !

On en vient à fréquenter les sites spécialisés qui abordent tous les sujets du pastoralisme, l’odeur du suint et de la bergerie, loin de déranger, nous titillent les narines. Pour ma part, j’aime me retrouver au milieu des brebis, les toucher, les observer (c’est un peu difficile de les reconnaître, mais elles ont chacune leur particularité), et le travail du chien prend son sens quand il faut faire des lots, pour les vacciner par exemple, ou les maintenir en ordre quand on doit examiner un des individus du troupeau, quand on veut les maintenir sur une pâture non clôturée, ou encore sortir du pré et traverser une route…et j’en passe… bref, dans un travail quotidien.

L’été prochain, j’espère aussi que les brebis auront de beaux agneaux !

Darjeeling le dandy a fait place à Darjeeling le berger, volontaire et instinctif, il a pris de l’autonomie, a révélé un fond qu’il n’aurait certainement jamais exprimé sans cela, il a pris confiance en ses capacités, sa volonté de bien faire et la confiance qui nous unit me confortent dans l’idée que nos Belges peuvent aller bien plus loin qu’un simple test d’aptitude

Oui, nos belges sont impatients, démonstratifs et par là même, déconcertants pour ceux qui ne connaissent pas leur tempérament, mais avant tout, leur mémoire atavique est intacte, leur application au travail n’a d’égal que l’ardeur qu’ils mettent dans toutes leurs actions, et la relation qui les unit à leur conducteur est unique, comme vous pourrez le lire dans les interviews de cet article. Alors travaillons ensemble pour guider  - et aussi protéger - le troupeau : c’est un ménage à trois formidable !

Florence Grasswill

Extrait de la revue du CFCBB, Mars Avril 2012, N°381

Ndlr: Darjeeling nous a malheureusement quittés suite à une pyroplasmose foudroyante en Septembre 2012....